
Travailler pour le "roi" P. Diddy: le rêve devenu "cauchemar" d'une ex-assistante

Mia a travaillé pendant des années comme assistante personnelle du "roi" P. Diddy: cela signifiait soigner les blessures de sa compagne Cassie et s'exposer elle-même à des violences, dont des viols, a-t-elle témoigné jeudi au procès du magnat du hip-hop à New York.
Depuis trois semaines, les jurés du tribunal fédéral de Manhattan ont vu défiler une série de témoins qui leur ont décrit l'emprise exercée par l'influent rappeur et producteur sur ses employés ou son ex-compagne, la chanteuse de R&B Casandra "Cassie" Ventura.
Figure incontournable du hip-hop pendant les trois dernières décennies, qui a aussi fait fortune dans la mode et les alcools, Sean Combs, dit P. Diddy, comparaît pour trafic à des fins d'exploitation sexuelle et entreprise criminelle.
A 55 ans et tombé de son piédestal, il est accusé d'avoir forcé plusieurs femmes, dont Cassie, à avoir des relations sexuelles avec d'autres hommes pour satisfaire ses désirs, au moins depuis 2004.
Au milieu de la galaxie d'employés qui gravitait autour de l'artiste, Mia était l'une de ses assistantes privilégiées. Elle témoigne sous son vrai visage, mais sous un prénom d'emprunt pour protéger son anonymat.
Proche du couple, elle raconte, la voix parfois essoufflée comme si elle revivait les événements, plusieurs épisodes de violences subies par la chanteuse, ses "lèvres enflées", "ecchymoses" ou "œil au beurre noir" qu'il fallait soigner, ou à tout le moins cacher pour faire bonne figure lors d'une avant-première à Hollywood.
- "Je ne pouvais pas dire non" -
Guidée par les questions de la procureure, Mia se remémore des vacances où elle accompagne le couple. Une nuit, Cassie débarque paniquée dans sa chambre: "elle hurlait à l'aide, +il (P. Diddy) va me tuer", raconte-t-elle, d'un ton saccadé. "Nous avons poussé des meubles contre la porte (…) il criait et tapait", ajoute Mia.
L'ancienne employée confirme, comme d'autres témoins avant elle, qu'il fallait préparer des chambres d'hôtel pour les marathons sexuels pendant lesquels Cassie devait livrer son corps, sous l'emprise de drogues, à des hommes rémunérés.
Cela voulait dire approvisionner les lieux en préservatifs, lotions pour les corps, bougies... Et après, il fallait "nettoyer": "un cauchemar", dit-elle. La défense de P. Diddy veut au contraire démontrer que Cassie se prêtait volontairement aux relations sexuelles.
Travailler pour le fondateur du label Bad Boy Records, qui a collaboré avec les plus grands rappeurs, pouvait être enthousiasmant, raconte Mia, qui appelle P. Diddy "Puff", l'un de ses autres noms d'artiste. Mais c'était s'exposer à ses accès de violence, et à ses désirs: "Je ne pouvais pas dire non, jamais", résume-t-elle.
"Il m'a jeté des objets. Il m'a jetée contre le mur. Il m'a jetée dans une piscine. Il m'a jetée un seau à glace sur la tête. Il a claqué mon bras contre une porte. Il m'a également agressée sexuellement", énumère-t-elle.
- "Quelqu'un de très puissant" -
Ces épisodes de violences sexuelles, qu'elle a qualifiés de "sporadiques", sont les plus éprouvants à raconter pour Mia.
La première fois, survenue au Plaza Hotel de New York, lors du 40e anniversaire de l'artiste, elle s'est dit que ça n'arriverait plus. Mais la procureure lui fait raconter d'autres épisodes, dont deux récits de viol. A chaque fois, la voix cassée, cherchant ses mots comme si chacun d'eux lui faisait revivre son "traumatisme", elle raconte s'être "figée". Tête baissée, elle évoque encore sa honte, des années plus tard.
"C'était le patron, le roi, quelqu'un de très puissant", murmure-t-elle, en décrivant un piège à huis clos. "On était des années et des années avant les réseaux sociaux, MeToo ou tout autre moment où quelqu'un s'est opposé avec succès à quelqu'un d'aussi puissant que lui", souligne-t-elle.
"L'autorité de Puff était supérieure à celle de la police", juge Mia. Elle en donne un exemple concret. Un jour où elle conduisait trop vite à Los Angeles, elle est arrêtée par la police.
Mais lorsqu'elle tend son téléphone à l'agente pour lui passer "Puff", cette dernière "a commencé à rire et à dire +mon Dieu, Puff Daddy+...et elle m'a laissée partir", raconte Mia.
Son témoignage doit se poursuivre vendredi.
E.Dudek--GL