
En Argentine, sur le tracé d'une route, l'arbre de la discorde

Un arbre de près de 300 ans, situé sur le tracé d'une extension prévue de route dans le nord de l'Argentine, engendre depuis deux mois protestations, recours en justice et mobilisations, avec interpellations à la clef.
Le quebracho blanc (Aspidosperma quebracho blanco), autochtone de cette partie d'Amérique du Sud, se trouve sur un élargissement de deux à quatre voies d'un axe dans un quartier résidentiel en expansion, à Villa Allende, près de Cordoba (à 700 km de Buenos Aires).
L'arbre, jusqu'ici préservé, dessine une silhouette incongrue au milieu de la voie inachevée, et a rassemblé en sa défense des militants de l'environnement et des voisins, qui ont organisé des veillées, un campement, des rondes, pour empêcher son déplacement, autour du slogan "Pas touche au quebracho!".
La justice administrative, saisie, a donné raison à la municipalité de Villa Allende, qui invoquait un motif de "sécurité routière" pour déplacer l'arbre.
Transplantation à laquelle "il n'a aucune chance de survivre" selon les agronomes, a assuré à l'AFP Guillermo Galliano, responsable de Mil Aves, ONG environnementale locale.
Mais la cause du quebracho -- ironiquement un arbre réputé pour sa dureté et résistance exceptionnelle -- a pris un tour national: s'y sont joints divers artistes argentins et personnalités du sport, tels le rockeur Leon Gieco, ou Fernando Signorini, ancien préparateur physique de l'Albiceleste et de Maradona.
Deux personnes ont été interpellées ces dernières semaines autour des mobilisations: une journaliste et un automobiliste qui avait bloqué avec son véhicule l'accès des pelleteuses.
Plusieurs entreprises locales de travaux ont par ailleurs signifié leur refus de se prêter à l'extraction de l'arbre.
Mais la municipalité a assuré cette semaine avancer, après avoir pris toutes les précautions pour préserver le spécimen.
"La pelleteuse a réduit le +pain+ (masse de terre maintenant les racines, NDLR), il est intact, la racine centrale atteint 2 mètres de profondeur", a déclaré mardi le secrétaire de la municipalité de Villa Allende, Felipe Crespo, cité par le quotidien local La Voz. "Le transfert est imminent."
Ce déplacement, délicat et fastidieux, impliquant une grue à l'enlèvement, un camion, puis de nouveau une grue pour replanter l'arbre quelque 25 mètres plus loin, a commencé mercredi sous forte présence policière, a constaté l'AFP.
M.Bartosz--GL