
Devant les étudiants vietnamiens, la leçon de Macron sur la "désinhibition des superpuissances"

"Par la désinhibition des superpuissances, tout peut basculer": Emmanuel Macron a exposé mardi sa troisième voie devant des étudiants vietnamiens, s'en prenant aux taxes douanières de Donald Trump "qui changent selon les matins", autant qu'aux revendications de Pékin en mer de Chine méridionale.
Le président français décline ce message depuis le début dimanche soir de sa tournée de six jours en Asie du Sud-Est, qui doit aussi le mener mardi soir en Indonésie puis à Singapour.
"La conflictualité qu'il y a entre la Chine et les Etats-Unis d'Amérique est un fait géopolitique qui fait peser l'ombre portée du risque d'un conflit beaucoup plus large dans cette région majeure", a-t-il jugé à l'Université des sciences et techniques d'Hanoï, au Vietnam.
Tous en ont pris pour leur grade.
"Nous avons des grandes puissances du monde qui ont décidé de ne plus respecter le droit international et de ne plus vouloir la paix", "la souveraineté des peuples et l'intégrité territoriale deviennent contestées, y compris par des grandes puissances membres permanents du Conseil de sécurité" de l'ONU, a-t-il professé, notamment à l'adresse de la Russie.
- Inquiétudes en mer de Chine méridionale -
A l'intention de Pékin, opposé à Hanoï sur la souveraineté d'îlots au large du Vietnam, il a estimé qu'être obligé de rappeler "que la liberté de navigation, la liberté maritime est importante pour la mer de Chine méridionale, c'est bien que quelque chose se passe qui inquiète tout le monde".
Avant de déplorer l'attitude des Etats-Unis: "la première économie du monde décide de ne plus (...) respecter les règles" du commerce international et "met des tarifs qui changent selon les matins où l'on se réveille".
Une critique qui résonne au moment où les dirigeants de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean), réunis en sommet en Malaisie, affichent leur quête de partenaires pour diversifier leurs réseaux commerciaux face aux menaces douanières du président américain.
Face à cette situation, Emmanuel Macron admet que la France, "grande puissance militaire, géopolitique", n'est "pas une de ces deux grandes puissances au monde". "Et le Vietnam non plus", a-t-il ajouté.
D'où selon lui la pertinence de sa "stratégie indopacifique", qui consiste à proposer à cette partie du monde au coeur de la confrontation sino-américaine de "ne pas dépendre" de Washington et Pékin, et donc de bâtir ensemble "un chemin de liberté" et de "souveraineté".
- "Monde d'imbéciles" -
Paris espère que ce positionnement se traduise en contrats pour les entreprises françaises.
Au Vietnam, des accords pour neuf milliards d'euros ont été conclus, selon le président français, notamment par l'avionneur Airbus, tandis que des signatures sont prévues en Indonésie en matière de défense, d'énergie et de minerais critiques.
Au passage, Emmanuel Macron a exhorté ces étudiants, parfois francophones, à ne pas sombrer dans le "monde d'imbéciles" qui règne à ses yeux sur les réseaux sociaux, où l'on peut critiquer à coups de messages courts "celui ou celle que dont vous ne comprenez pas la pensée".
"Pour moi, un des risques qu'il y a dans votre génération, c'est qu'on se dise: comme j'ai accès à Twitter et que je peux (...) dire au meilleur professeur de chimie du monde ou au meilleur philosophe +tu es un imbécile+ et avoir plus de gens qui likent mon tweet ou qui suivront mon Instagram, +je suis plus fort que lui+". "Ce monde est affreux, ne pensez pas qu'il est désirable", a-t-il lancé.
"On ne doit pas être dans un monde de l'invective, on doit être dans un monde du doute", a-t-il insisté, en exhortant les jeunes Vietnamiens à "apprendre la controverse respectueuse", dans un pays où le parti communiste a intensifié la répression de messages critiques en ligne au mépris de la liberté d'expression, selon les groupes de défense des droits humains.
X.Dabrowski--GL