
La fermeture d'une raffinerie écossaise, emblématique du défi de la transition énergétique

Travailler à Grangemouth, c'était l'assurance "d'un travail à vie".
Mais tout a changé dans cette ville écossaise avec la mise à l'arrêt fin avril d'une raffinerie géante, qui illustre l'ampleur du défi de la transition énergétique dans l'industrie pétrochimique britannique.
Le 29 avril dernier, Petroineos, coentreprise entre le géant britannique de la chimie Ineos et le groupe public chinois PetroChina, a annoncé la fin des activités sur ce site vieux de plus d'un siècle, donnant le coup d'envoi aux premières suppressions d'emplois.
La fermeture la raffinerie, située à environ 40 km d’Édimbourg, dans l'estuaire du Forth, se traduira au total par la perte de 400 emplois, un coup dur pour la ville dont elle était un des principaux employeurs.
Selon Petroineos, le site, dernière raffinerie d’Écosse, perdait environ 500.000 dollars (444.000 euros) par jour, du fait notamment d'une moindre demande en carburants avec l'électrification croissante des véhicules.
Il prévoit de le transformer en terminal d'importation de carburants et emploiera seulement 65 anciens salariés.
Chris Hamilton est l'un d'entre eux. Dès l'annonce du projet de fermeture en 2023, cet ouvrier syndiqué a lancé la mobilisation sous le mot d'ordre "Keep Grangemouth Working".
La campagne visait à assurer un avenir au site avec le développement d'activités bas carbone, comme la production de carburant plus durable pour les avions, explique à l'AFP Chris Hamilton.
Mais pour le groupe, "le cadre réglementaire, budgétaire et politique ne permettait pas une production bas carbone".
Un récent rapport de la Commission pour une transition juste en Écosse (JTC) a conclu que Grangemouth était victime d'un "défaut de responsabilité" de la part du gouvernement et de Petroineos.
- "test" pour la transition -
Un peu plus tôt cette année, Petroineos et le gouvernement britannique ont publié une étude de faisabilité d'options bas carbone pour le site.
Mais ces options, notamment la production de kérosène et le recyclage de plastique, prendraient des années à être mises en œuvre et nécessiteraient des milliards de livres d'investissements.
Le gouvernement s'est engagé à contribuer à hauteur de 200 millions de livres soit 241 millions d'euros), qui s'ajoutaient aux 100 millions déjà promis par le précédent gouvernement conservateur, mais aucun partenaire privé ne s'est manifesté.
Ces six derniers mois, Andrew Petersen et ses collègues ont dû fermer un à un les unités de la raffinerie.
"C'était vraiment dur", explique-t-il. "On a eu le sentiment de creuser notre propre tombe".
"Avec la fermeture de la raffinerie (...) les employés ne peuvent pas attendre dix ans", s'inquiète le député de la circonscription de Grangemouth Brian Leisham.
"Une vraie transition juste signifierait que l'on accompagne les employés", ajoute-t-il.
Richard Hardy, membre de la commission JTC, estime auprès de l'AFP que la fermeture de la raffinerie est un "test décisif" en matière de transition équitable.
Selon lui, les gouvernements britannique et écossais doivent faire davantage pour assurer le passage délicat entre la fermeture des industries polluantes et la transition vers une énergie plus verte, dans la perspective de la neutralité carbone prévue d'ici 2050 au Royaume-Uni.
Le mois dernier, le gouvernement travailliste de Keir Starmer a pris le contrôle du sidérurgiste British Steel — propriété d'un groupe chinois — pour éviter l'arrêt des hauts fourneaux, les derniers du pays.
Brian Leisham l'a appelé à faire de même à Grangemouth, une des six dernières raffineries du Royaume-Uni.
- le déclin de "boomtown" -
Construite autour de la raffinerie et autrefois surnommée "boomtown" (la ville en plein essor), Grangemouth est déjà en déclin depuis plusieurs années, perdant des habitants.
Auparavant, grandir et travailler à la raffinerie voulait dire "avoir un travail à vie". Aujourd'hui, "il y a des options (d'emploi), mais pas ici", se désole Andrew Petersen, pour qui Grangemouth "va devenir une ville fantôme".
Dans le centre-ville délabré, où les devantures de magasins fermés sont nombreuses, le boucher Robert Anderson constate déjà qu'on "ne voit plus" les ex-employés de la raffinerie, autrefois bien identifiables avec leur veste de haute visibilité.
Hannah Barclay, 19 ans et qui travaille auprès des sans-abri, explique que beaucoup de ses amis travaillaient à Petroineos.
"Pour de nombreuses personnes ici, l'université, l'enseignement supérieur, ce n'est pas une option", dit-elle, ajoutant que la fermeture crée un avenir vraiment "incertain" pour les jeunes.
P.Majewski--GL