
Dieselgate: un troisième procès pour tromperie aggravée requis contre Renault, après Volkswagen et Peugeot-Citroën

Le parquet de Paris a requis un troisième procès pour tromperie aggravée dans le scandale du Dieselgate contre Renault, après ceux déjà demandés contre Volkswagen et Peugeot-Citroën, et ce alors que le constructeur au losange conteste toute infraction.
Renault est suspecté d'avoir "spécialement calibré" des véhicules de normes Euro 5 et Euro 6, commercialisés entre 2009 et 2017, pour qu'ils respectent les paramètres réglementaires lors des tests d'homologation mais pas en situation normale, d'après ces réquisitions, prises le 25 juin et dont l'AFP a eu connaissance vendredi.
Cette tromperie alléguée serait aggravée par le fait que ce calibrage a pu accroître la pollution atmosphérique aux oxydes d'azote et donc "favoriser (...) l'apparition chez l'homme de maladies respiratoires".
La décision finale sur un procès appartient au juge d'instruction, dans ce dossier riche d'abondants échanges techniques.
Sollicité vendredi, un porte-parole de Renault, mis en examen en juin 2021, a indiqué à l'AFP que la marque "conteste avoir commis la moindre infraction et rappelle que ses véhicules ne sont pas équipés de logiciels de fraude aux dispositifs de dépollution."
"Les véhicules Renault ont tous et toujours été homologués conformément aux lois et réglementations françaises et européennes en vigueur lors de leur commercialisation", a-t-on ajouté.
Renault souligne en outre qu'"un arrêt de la Cour de cassation" d'avril 2024, dont le parquet "feint d'ignorer l'existence", "remet en cause la validité de la procédure".
"Ces réquisitions constituent donc une tentative d'interférer dans la décision que rendra prochainement la chambre de l'instruction" de la cour d'appel de Paris sur ce dossier, critique Renault.
- "Stratégie assumée" -
Initialement mis en cause mais entendu comme témoin par les juges en mai 2021, l'ancien patron de Renault Carlos Ghosn avait rejeté toute responsabilité.
Pour la procureure chargée de ce dossier, toutefois, "l'ensemble des déclarations des équipes travaillant sur la conception des moteurs diesel au sein de Renault tendait à démontrer que l'objectif en matière de dépollution était de +passer la norme+, en limitant de facto +la norme+ au protocole d'homologation" alors que "cette norme devait trouver à s'appliquer aussi dans des conditions d'utilisation normale".
Cette "stratégie assumée d'optimisation du fonctionnement des organes de dépollution et au long cours" a été prise de manière "collégiale", assure le ministère public.
A ce stade, 381 parties civiles se sont constituées, des particuliers, des associations, des personnes publiques, parmi lesquelles les villes de Paris, Lyon, Montpellier ou Grenoble, et des entreprises privées.
- "Indemnisations" -
Le parquet souligne toutefois qu'il y en a "bien d'autres" potentielles, reprenant le chiffre de la Répression des fraudes qui a évalué à près de 900.000 le nombre de véhicules vendus pour un seul type de moteur diesel mis en cause, pour un chiffre d'affaires de 16,85 milliards d'euros.
Surtout, le ministère public dit "qu'à l'évidence, un consommateur qui se tourne vers Renault", un constructeur à "l'excellente réputation, ne s'attend(ait) pas à ce que son véhicule ne soit pas conforme aux normes européennes en matière d'émissions polluantes".
Le scandale du Dieselgate a éclaté au milieu des années 2010 aux Etats-Unis après que Vokswagen a admis avoir équipé plus de 11 millions de véhicules commercialisés entre 2009 et 2015 de logiciels limitant la pollution lors des tests d'homologation.
En France, les autorités avaient ordonné une batterie de tests sur des véhicules, tandis que la Répression des fraudes (DGCCRF) avait ouvert une enquête.
Le pôle santé publique du parquet de Paris a déjà requis deux premiers procès pour tromperie aggravée, le 24 février contre Volkswagen, le 25 juin pour Peugeot et Citroën.
Ces dossiers doivent être jugés "sans plus attendre (...) afin que les victimes des agissements frauduleux des industriels puissent obtenir des réponses à leurs questions légitimes et être indemnisées, enfin, des préjudices subis", a indiqué à l'AFP Me François Lafforgue, avocat de Générations Futures.
Il s'agit d'"une question de santé publique qui nous concerne toutes et tous, exposés pendant des années à des émissions toxiques du fait de la tromperie des principaux constructeurs français.
Les parties civiles n'hésiteront pas, à l'heure du procès, à réclamer des indemnisations à la hauteur des enjeux" ont indiqué de leur côté Marc Barennes et Romain Boulet, conseils de particuliers et d'entreprises.
B.Michalski--GL