
Le CNRS lance son programme pour attirer en France les chercheurs menacés

Vaisseau amiral de la recherche française, le CNRS lance un programme pour attirer des scientifiques étrangers dont le travail est menacé, notamment aux Etats-Unis, dans la ligne du souhait de l'exécutif.
Les premiers contacts traduisent un "petit élan", qui concerne "pour l'immense majorité des non-Américains", explique à l'AFP Antoine Petit, le PDG du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
L'organisme, le premier en Europe en matière de recherche avec 34.000 agents, ouvre les bras aux "collègues aujourd'hui empêchés de faire de la recherche", mais aussi aux chercheurs français expatriés dont certains n'ont "pas envie de vivre et d'élever leurs enfants dans les Etats-Unis de Trump", dit-il.
Cette initiative, baptisée "Choose CNRS" (Choisissez le CNRS), suit celle impulsée par l'exécutif avec l'annonce mi-avril d'une plateforme "Choose France for science".
"Des chercheurs étrangers sont déjà arrivés en France pour se familiariser avec les infrastructures en attente de la mise en place des fonds et de la plateforme", indique-t-on au ministère de la Recherche.
Intitulé "Choose science choose Europe", l'évènement auquel participera la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, entend signifier "dans un moment où les libertés académiques connaissent un certain nombre de reflux ou de menaces, que l'Europe est un continent d'attractivité", selon l'Elysée.
Pionnière de ce mouvement dès le mois de mars avec son programme "Safe place for science" (un endroit sûr pour la science), l'Université d'Aix-Marseille accueillera ses premiers chercheurs en juin.
Depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier, chercheurs et universités sont dans le collimateur de son gouvernement et ont peur pour leur avenir, entre libertés académiques et de recherche minées, financements sabrés.
- Nerf de la guerre -
Avec son initiative, le CNRS, qui a l'habitude de recruter des chercheurs non-Français à hauteur d'un tiers chaque année dans ses concours classiques, vise quatre publics.
D'abord, les plus jeunes - les post-doctorants - dont certains pourraient espérer des emplois pérennes. Puis des chaires de professeur junior, un dispositif assez récent qui va faire l'objet d'une "publicité particulière cette année", selon M. Petit.
Un cran au-dessus, le recrutement annuel de directeurs de recherche externes, c'est-à-dire non issus du corps interne des chargés de recherche, pourrait être redimensionné à la hausse.
Enfin, le CNRS veut innover en ciblant des "stars" de la recherche mondiale, sur des chaires internationales. Sans besoin de les payer mieux que ne le sont les meilleurs déjà employés, selon son PDG.
Qui se dit convaincu que "la motivation d'un chercheur n'est jamais la rémunération", mais avant tout "l'environnement de travail, avec ses infrastructures, et la possibilité de se confronter aux meilleurs".
Sans compter qu'une fois intégrés les frais liés à l'éducation, la santé et la protection sociale, les écarts de rémunération paraissent plus faibles.
Pour autant, l'argent restant le nerf de la guerre pour financer la recherche, le responsable note que la marge de manoeuvre du CNRS n'est "pas très grande".
Et place ses espoirs dans l'annonce sur la plateforme que l'Etat pourrait abonder jusqu'à 50% du coût de projets de recherche, au mérite et sur les fonds du programme France 2030.
"C'est au niveau européen que l'effort doit être fait", remarquait récemment le ministre de la Recherche Philippe Baptiste. Et pas seulement pour de vulgaires questions d'argent, mais aussi sur des thèmes comme la libre circulation des chercheurs ou de la connaissance.
"On pense, à France-Universités, que c'est l'échelle à laquelle il faut travailler", souligne aussi auprès de l'AFP son vice-président Jean-François Huchet, en rappelant que "l'Europe de la recherche doit encore se constituer".
"Ce que nous pouvons faire pour les chercheurs aux Etats-Unis pourrait accélérer le mouvement et améliorer nos dispositifs", ajoute-t-il.
Par exemple, dans l'accès à certaines bases de données, partagées avec les Etats-Unis, qui pourrait être menacé. Ce qui "pose la question de notre souveraineté", avertit le responsable.
F.Jablonski--GL