Soudan: première attaque des paramilitaires sur Port-Soudan, selon l'armée
Les paramilitaires soudanais ont frappé dimanche la ville de Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement, a annoncé l'armée, dans la première attaque de ce type en deux ans de guerre.
Ces dernières semaines, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont élargi la portée et la fréquence de leurs attaques aériennes contre les zones tenues par l'armée, à laquelle ils ont dû céder le contrôle de pans entiers de territoire.
Le Soudan est en proie depuis le 15 avril 2023 à une lutte pour le pouvoir entre le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l'armée et dirigeant de facto du pays depuis le coup d'État de 2021 et son ancien adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo, à la tête des FSR.
"L'ennemi a ciblé ce matin la base aérienne d'Osman Digna avec des drones explosifs, un entrepôt de marchandises et certaines installations civiles" à Port Soudan, a indiqué le porte-parole de l'armée, le général Nabil Abdoullah. Il n'a pas fait état de victime, signalant des "dégâts limités" dans le ville située sur la mer Rouge, à quelque 650 km des plus proches positions connues des FSR, dans la périphérie de Khartoum.
Des images de l'AFP ont montré de la fumée s'élevant du secteur de l'aéroport. Les vols vers et depuis Port-Soudan ont été suspendus, a indiqué un responsable gouvernemental.
Plus tard dimanche, un correspondant de l'AFP a rapporté que des missiles antiaériens avaient tenté d'abattre un autre drone qui se dirigeait vers une base aérienne à l'ouest de la ville.
Dans la ville frontalière de Kassala, elle aussi tenue par l'armée à quelque 500 km au sud de Port-Soudan, près de l'Érythrée, des témoins ont indiqué que trois drones avaient frappé l'aéroport pour la deuxième journée consécutive.
Au début de la guerre, l'armée avait été chassée de Khartoum par les FSR et s'était repliée vers l'est, transférant le siège du gouvernement à Port-Soudan, qui abrite également des agences de l'ONU et des centaines de milliers de déplacés. Fin mars, elle a repris Khartoum aux paramilitaires.
- Aéroport évacué -
Dimanche à l'aube, un correspondant de l'AFP a senti sa maison, située à une vingtaine de kilomètres de l'aéroport, trembler, alors que des explosions étaient entendues.
"Nous étions en route vers l'avion quand nous avons été rapidement évacués et emmenés hors du terminal", a témoigné à l'AFP un passager.
Le conflit a de facto divisé le pays: l'armée contrôle le centre, l'est et le nord, tandis que les paramilitaires tiennent à l'ouest la quasi-totalité du Darfour et certaines parties du sud.
Les FSR, privées d’aviation, s’appuient sur des drones, des équipements que le gouvernement soudanais accuse les Emirats arabes unis de leur fournir. Malgré des rapports d’experts de l’ONU, de responsables américains et d'organisations internationales faisant état d’un soutien émirati aux FSR, Abou Dhabi nie toute implication.
Selon le laboratoire humanitaire de recherche de l'Université Yale (HLR), six drones ont été identifiés sur des images satellites à l’aéroport de Nyala, contrôlé par les FSR au Darfour. En avril, le laboratoire avait indiqué que ces drones, d’origine chinoise, étaient dotés de "technologies avancées de surveillance électronique et de capacités de guerre", et pouvaient être équipés d'armements air-sol.
- "Aucun endroit n'est sûr" -
L'Arabie saoudite, qui avait mené une médiation pour une trêve dans le conflit, a condamné les attaques visant "des infrastructures vitales" à Port-Soudan et Kassala.
Selon un ex-général soudanais s’exprimant sous couvert d’anonymat, les FSR entendent démontrer "qu'aucun endroit n'est sûr" au Soudan et qu'ils sont en mesure de frapper "n’importe quelle région" du pays. Les FSR chercheraient également, selon lui, "à perturber le trafic aérien", et détruire "le dépôt d'armes de la base d'Osman Digna".
En avril, une frappe contre des infrastructures électriques dans la ville d’Atbara (nord) avait plongé le pays dans le noir. Port-Soudan est toujours privé d'électricité depuis une dizaine de jours.
La guerre au Soudan a tué des dizaines de milliers de personnes, déraciné 13 millions et plongé certaines régions dans la famine, provoquant "la pire catastrophe humanitaire" au monde, selon l'ONU.
R.Kozlowski--GL