
Commerce et souveraineté: rencontre tendue mais courtoise entre Carney et Trump

Le nouveau Premier ministre canadien Mark Carney et Donald Trump se sont jaugés mardi lors d'une rencontre tendue mais qui n'a pas viré à l'esclandre, avec en arrière-plan les menaces de guerre commerciale et d'annexion à nouveau répétées par le président américain.
Pour leur premier face-à-face, derrière les sourires affichés dans le Bureau ovale, les deux dirigeants ont campé sur leurs positions: Carney a assuré que son pays ne serait "jamais à vendre", Trump a rétorqué qu'il ne fallait "jamais dire jamais".
Le chef du gouvernement canadien a ensuite affirmé avoir demandé au président américain de cesser de parler du Canada comme du 51e Etat des Etats-Unis, ce qu'il fait depuis des mois. Mardi, Donald Trump a estimé que ce serait pourtant un "merveilleux mariage".
"J'ai dit (à Trump): +C'est pas utile de répéter cette idée+", a assuré Carney en français lors d'une conférence de presse à l'ambassade du Canada après la rencontre à la Maison Blanche.
- "Progrès" -
Elu il y a une semaine sur la promesse de faire face au président américain, dont les menaces angoissent les Canadiens, il devait éviter de braquer son impulsif interlocuteur pour ne pas compromettre un éventuel accord commercial.
Donald Trump a toutefois répété qu'il ne reviendrait pas sur ses décisions concernant les droits de douane, estimant que rien ne pourrait l'amener, même après discussion avec le Premier ministre canadien, à revenir en arrière. "C'est comme ça", a-t-il affirmé.
Le président républicain a déjà imposé des droits de douane sur l'acier et l'aluminium canadiens, notamment, et menace son voisin du Nord de taxes douanières généralisées de 25%.
"Le Canada devra être capable de se débrouiller seul sur le plan économique, a-t-il estimé. Il n'y aucune raison pour que nous subventionnions le Canada."
Néanmoins Donald Trump "adorerait" trouver un nouvel accord commercial avec Ottawa, les deux pays étant actuellement liés par un accord de libre-échange (ACEUM) conclu pendant son premier mandat.
"Ce sont des négociations très complexes mais on a fait des progrès", a considéré Mark Carney à l'issue de leur rencontre, en répétant qu'il ne s'attendait pas à de la "fumée blanche" immédiatement, une métaphore d'actualité en ces temps de conclave.
Le Premier ministre canadien a qualifié ses échanges avec Donald Trump de "très constructifs" et dit que les deux dirigeants les poursuivront "dans les semaines à venir", en particulier au sommet du G7 en juin, organisé au Canada.
"La question est de savoir comment nous allons coopérer à l'avenir", a-t-il toutefois assuré, soulignant que son pays était le "plus gros client" pour les marchandises américaines.
- "Aucune tension" -
La rencontre avait débuté sur un ton affable, Donald Trump qualifiant son invité d'homme "très talentueux" et "très bien", critiquant au passage l'ancien Premier ministre Justin Trudeau, pour lequel le milliardaire new-yorkais a une féroce antipathie.
Mais l'atmosphère s'est alourdie dans le Bureau ovale à mesure que Donald Trump insistait sur une possible annexion du Canada. Les mains nerveusement nouées, Mark Carney a semblé plusieurs fois se retenir de l'interrompre.
Le président américain a cependant assuré peu après qu'il n'y avait eu "aucune tension" lors de cette "très bonne" réunion. Il s'est d'ailleurs félicité que la conversation n'ait "pas tourné comme cette petite crise avec une autre personne", en référence à l'incroyable altercation verbale qu'il avait eue avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky au même endroit.
Novice en politique, Mark Carney est sorti victorieux des récentes élections législatives alors que sa formation, le parti libéral (centre-gauche), était il y a encore quelques mois promise à une cuisante défaite.
"Je suis la meilleure chose qui lui soit arrivée", a plaisanté Donald Trump mardi en évoquant cette victoire électorale à laquelle ses attaques commerciales et ses menaces d'annexion ont contribué.
F.Jankowski--GL