Les Philippins votent sur fond de duel électoral entre les dynasties au pouvoir
Les Philippins ont voté lundi, bravant une chaleur écrasante, pour des élections de mi-mandat dominées par la rivalité entre les camps du président Ferdinand Marcos Jr, et celui de sa vice-présidente Sara Duterte, son ancienne alliée menacée de destitution.
Avec des températures atteignant parfois 34°C, George Garcia, chef de la Commission électorale (Comelec), a déclaré que certaines machines à voter étaient en "surchauffe". "Cela ralentit le processus", a-t-il indiqué aux journalistes dans une prison du sud de Manille où les détenus votent.
"En raison des chaleurs extrêmes, l'encre (des bulletins de vote) ne sèche pas immédiatement et le bulletin reste collé sur les scanners", a-t-il expliqué.
Si municipalités et sièges à la Chambre des représentants sont en jeu, l'attention se focalise avant tout sur le Sénat, en raison des retombées possibles sur la prochaine élection présidentielle de 2028.
Avec leurs 12 collègues déjà en poste à la chambre haute, les 12 sénateurs choisis lundi composeront le jury du procès en destitution de Sara Duterte, prévu pour juillet, qui pourrait écarter la vice-présidente de tout mandat public.
En février, la Chambre des représentants a déjà voté en faveur de son limogeage pour des soupçons de crimes, entre corruption et projet d'assassinat du président Marcos Jr.
Environ un mois plus tard, son père Rodrigo Duterte, président entre 2016 et 2022, a été arrêté et acheminé vers le tribunal de La Haye aux Pays-Bas. Il est accusé de crimes contre l'humanité en raison de sa campagne meurtrière contre la drogue durant son mandat.
Malgré sa détention, Duterte père a largement remporté lundi la mairie de la ville de Davao, un bastion familial, selon des résultats partiels. Le rôle qu'il jouera, le cas échéant, à la mairie de cette ville de près de 1,8 million d'habitants depuis sa cellule aux Pays-Bas reste incertain.
Pour Roland Agasa, un des 68 millions d'électeurs enregistrés, la rivalité entre Mme Duterte et M. Marcos Jr a pesé sur la campagne.
"Pour moi, le gouvernement devient stressant", a-t-il confié à l'extérieur d'une école élémentaire de Manille qui abrite un bureau de vote. "J'espère que nous choisirons les personnes méritantes, celles qui peuvent aider le pays".
Ferdinand Marcos Jr a voté dans une école élementaire dans la province d'Ilocos Norte. Sa mère Imelda, 95 ans, veuve de l'autocrate Ferdinand Marcos (1965-1986), à ses côtés.
Sara Duterte, qui a voté dans sa région natale de Davao, aura besoin de neuf sénateurs en sa faveur sur les 24 de la chambre haute pour espérer concourir à une élection présidentielle.
Parmi les 12 candidats favoris pour remporter un siège au Sénat, sept sont soutenus par le président Marcos Jr, quatre par Sara Duterte - parmi lesquels la propre soeur du chef de l'Etat, Imee Marcos.
Sara Duterte était pressentie pour succéder à son père Rodrigo Duterte lors de la présidentielle de 2022, mais elle s'est retirée en faveur de Ferdinand Marcos Jr, à qui elle s'est alliée avant d'être élue à la vice-présidence.
L'union entre les deux dynasties rivales a cependant vite implosé et laissé la place à des affrontements publics ces derniers mois.
En novembre 2024, au cours d'une conférence de presse, Mme Duterte a déclaré qu'elle avait donné l'ordre de tuer le chef de l'Etat si elle était elle-même tuée. Elle a, par la suite, nié avoir proféré une menace de mort, décrivant ses commentaires comme l'expression de sa "consternation" face à des échecs du président philippin.
- Violences -
Dans l'ensemble du pays, plus de 18.000 mandats sont en jeu lors de ce scrutin.
A l'ouverture des bureaux de vote, deux hommes ont été tués et sept blessés dans le centre des Philippines lorsque des inconnus armés ont tiré à partir d'une voiture sur un groupe qui se tenait devant le siège d'un parti local.
Dans un pays qui subit régulièrement des violences en période électorale, la police de l'archipel est en état d'alerte. Quelque 163.000 agents ont été déployés pour assurer la sécurité des bureaux de vote, escorter les responsables électoraux et monter la garde au niveau de postes de contrôle.
La veille du scrutin, au moins deux personnes ont été tuées dans un affrontement entre sympathisants de camps opposés, sur l'île de Mindanao (sud), territoire marqué historiquement par des violences en lien avec des élections, selon l'armée.
A.Walczak--GL