
Le Sénat se penche sur une réforme du sport pro, scrutée par le foot français

Très sévère sur la gestion économique du football professionnel français, le Sénat examine mardi une proposition de loi pour réformer l'organisation du sport pro, une initiative prise au sérieux par le gouvernement et surveillée par les acteurs du foot.
A peine retombé de son petit nuage après le sacre du Paris Saint-Germain en Ligue des champions, le monde hexagonal du ballon rond est dans le viseur des sénateurs Laurent Lafon (UDI) et Michel Savin (Les Républicains) à la chambre haute.
Leur texte de loi, examiné en première lecture dans l'après-midi, entend améliorer la "gouvernance" du sport professionnel français, avec un objectif: répondre aux "dysfonctionnements profonds" observés ces dernières années dans le football professionnel, traversé notamment par plusieurs crises de ses droits audiovisuels.
La proposition de loi a été bâtie à la suite d'une commission d'enquête sénatoriale de 2024. Celle-ci avait durement épinglé la gestion de la Ligue de football professionnel (LFP), et notamment les contours du contrat signé en 2022 avec le fonds d'investissement CVC Capital Partners, qui avait apporté 1,5 milliard d'euros au football professionnel français contre environ 13% de ses recettes commerciales à vie.
"Des erreurs stratégiques se sont accumulées depuis plusieurs années", affirme Laurent Lafon, qui s'inquiète d'une "dilution du pouvoir", d'un "manque de transparence" et de décisions successives ayant abouti "à une situation plus que préoccupante".
Pour y remédier, les sénateurs proposent diverses mesures. L'une d'elles bouleverserait durablement l'organisation du sport pro français: il s'agirait pour les fédérations de faciliter la possibilité de retirer aux ligues - qui organisent les compétitions de clubs - leur "subdélégation de service public", en cas de "manquement à l'intérêt général de la discipline".
- Redistribution, piratage -
La mesure a suscité d'importantes levées de bouclier à la LFP et au sein des autres ligues, qui l'ont accueillie comme un "droit de vie ou de mort" attribué aux fédérations... En réponse à ces craintes, le dispositif a été amoindri en commission ces derniers jours, avec de nombreux aménagements ajoutés comme un "avis préalable du ministre des Sports" et un "préavis de six mois".
Dans une tribune publiée dans les Echos, les Ligues professionnelles ont appelé les sénateurs à "sécuriser et conforter les ligues dans leur action, préserver leur périmètre de compétences et leur autonomie d'action".
Le texte tient également compte des propositions émanant des États généraux du football professionnel tenus en avril, dont notamment la possibilité pour "les fédérations de créer une seconde ligue professionnelle pour la gestion du sport professionnel féminin".
Ou encore la précision que "l'écart maximum de distribution des revenus, liés notamment aux droits TV soit de 1 à 3, à l'intérieur d'un même championnat" alors qu'il est, selon le rapporteur au Sénat Michel Savin, de 1 à 5 actuellement entre les clubs du championnat de France de football.
Outre un volet sur le piratage, les débats tourneront aussi autour de la rémunération des dirigeants, avec une mesure qui fait parler: le plafonnement du salaire des dirigeants de Ligue. Les émoluments touchés par le patron du foot pro français Vincent Labrune avaient beaucoup interpellé la commission d'enquête sénatoriale au moment de ses travaux. Le gouvernement, lui, s'oppose à cette mesure.
Egalement visé par cette proposition de loi, le président du PSG Nasser Al-Khelaïfi: patron de beIN, qui diffuse le foot français, et membre du Conseil d'administration de la LFP, il ne pourrait plus cumuler les deux fonctions si la loi était promulguée.
Cette hypothèse semble encore très lointaine, car rien n'assure à ce stade que le texte pourra être inscrit à l'Assemblée nationale par la suite. Néanmoins, le gouvernement a déposé une douzaine d'amendements sur ce texte, signe de son intérêt pour la démarche.
P.Nowak--GL