L'Assemblée rejette la taxe Zucman, Lecornu lâche du lest sur les retraites et minimas sociaux
SL'Assemblée a rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman et ses dérivés, au grand dam de la gauche, à laquelle Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages en renonçant dans la foulée au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux.
Le Premier ministre, qui a passé son après-midi dans l'hémicycle, parviendra-t-il à échapper à la censure du PS? Un consensus finira-t-il par émerger sur le budget?
Epinglé pour "l'intransigeance" de son camp vendredi lors de discussions sur la fiscalité tendus et encalminés, M. Lecornu a appelé à un "changement de méthode" et demandé à ses ministres de réunir les représentants des groupes politiques pour tenter de trouver un terrain d'atterrissage.
Auparavant, il avait réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", alors que la taxe Zucman, qui a cristallisé les débats ces derniers jours, venait d'être repoussée dans l'hémicycle.
La mesure, visant à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, et inspirée des travaux de l'économiste Gabriel Zucman, a été rejetée par 228 députés contre 172.
Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.
Le chef du gouvernement a prédit que la mesure serait censurée par le Conseil constitutionnel.
A la recherche d'une voie de passage et face à la colère froide de la gauche, il s'est surtout dit prêt à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.
Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela par une hausse de la CSG sur le patrimoine, déjà votée à l'initiative de la gauche en commission dans le budget de la Sécurité sociale.
- "Cartons" -
Même s'ils étaient attendus, les votes sur la taxe Zucman et sa version dite "allégée" ont suscité l'ire de la gauche.
"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains le mauvais chemin", a dénoncé Boris Vallaud, disant ne pas voir "le moindre compromis" dans l'hémicycle. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune supprimé en 2017.
Le Premier secrétaire du PS Olivier Faure s'est lui demandé comment le gouvernement comptait trouver les "15 milliards d'euros" selon lui nécessaires pour expurger le budget de ses mesures les plus urticantes, sans que cela ne pèse sur les classes populaires. Il suggère deux pistes: le retour à l'ISF et une modification de la "niche Dutreil", utilisée par certaines grandes fortunes pour diminuer les droits de succession lors des héritages.
"Vous pouvez partir faire vos cartons", a quant a lui lancé le député LFI Matthias Tavel.
MM. Vallaud et Faure, qui avaient déjeuné à la mi-journée avec le Premier ministre à son initiative, étaient sortis de ce rendez-vous en ayant le sentiment de ne pas avoir "avancé ni abouti", selon les mots de M. Faure.
La droite s'est en revanche réjouie du rejet de la taxe Zucman: "Je suis très content (...) que la droite républicaine ait fait ce pour quoi on est là: on est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés LR, Laurent Wauquiez.
Plus tôt dans la journée, M. Wauquiez avait obtenu un autre motif de satisfaction, l'adoption d'une version atténuée de la taxe sur les holdings, à l'initiative de son groupe. Au point de la "vider de sa substance" selon plusieurs députés de gauche.
Ce vote a fait grincer des dents à gauche. "On n'a vu qu'une chose pour l'instant, la consolidation d'un bloc entre (...) le macronisme et Les Républicains", a commenté le président LFI de la commission des Finances, Eric Coquerel.
- Suspense sur les retraites ? -
Dans l'ombre de l'hémicycle, la commission des Affaires sociales examine le budget de la Sécurité sociale. Les enjeux sont moindres puisque les députés repartiront dans l'hémicycle, la semaine prochaine, de la copie initiale du gouvernement.
Parmi les points chauds, la suspension de la réforme des retraites, autre condition de la non-censure du PS.
S'il existe une majorité à l'Assemblée pour abroger purement et simplement la réforme, le sort de cet article en commission est incertain.
LR et Horizons (le parti d'Edouard Philippe) proposeront sa suppression, et pourraient être soutenus par des macronistes. Le RN devrait voter pour, selon une source au groupe, tout comme les socialistes.
Les Ecologistes, eux, s'abstiendront. Les Insoumis voteront en commission contre "une fausse suspension de la réforme des retraites mais une vraie confirmation de la retraite à 64 ans", a justifié le groupe.
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T.Chmielewski--GL