
Tour de France: un Vauquelin accrocheur en apprentissage accéléré

Encore tenace dans des sphères qu'il n'avait jamais fréquentées en très haute montagne, Kévin Vauquelin a poursuivi son apprentissage sur les pentes menant au col de la Loze jeudi, et peut plus que jamais croire à un Top 10 dans le Tour de France.
"Je n'ai jamais passé une journée aussi dure": comme d'habitude, le Normand a livré son ressenti sans emphase ni faux-semblants dans le brouillard humide qui nimbait le toit de cette Grande Boucle.
Il venait alors de prendre la 12e place de l'étape-reine de cette 112e édition, une prouesse pour le coureur de 24 ans, totalement novice à ce niveau-là, d'autant plus en troisième semaine.
"C'est encourageant pour la suite et je n'ai pas à rougir de ma performance", a poursuivi Vauquelin, qui ne s'embarrasse pas non plus de complexes au moment de s'autoriser à rêver.
- "C'est l'inconnu" -
"En fait, c'est l'inconnu, il ne l'a jamais fait de se battre pour le général, et au bout de trois semaines", a souligné auprès de l'AFP son directeur sportif Didier Rous.
"Aujourd'hui, il est encore septième du classement général, c'est quand même pas mal", a-t-il euphémisé en écarquillant les yeux, comme pour se rendre compte de la position de son leader à la veille de la dernière étape alpestre. Vauquelin compte 2 min 16 d'avance sur son premier poursuivant, le Norvégien Tobias Johannessen, et 16 minutes sur le 11e, son ami Jordan Jegat.
La journée semblait pourtant mal engagée dans le col de la Madeleine, la deuxième des trois ascensions hors-catégorie proposées aux coureurs dans cette 18e étape.
A 11 km du sommet et à 78 km de la ligne d'arrivée, "le Vauq'" a reculé dans le peloton maillot jaune et a fini par céder, asphyxié par le tempo infernal imposé par l'équipe Visma-Lease a bike, qui devait conduire quelques encablures plus loin à l'attaque vaine de Jonas Vingegaard.
"J'ai senti les jambes pas incroyables au début, j'ai dit que je me battrais jusqu'au bout et je suis monté à ma main dans le col de la Madeleine, grâce à Ewen (Costiou) qui m'a très bien soutenu", a expliqué le leader de l'équipe Arkéa-B&B Hotels, qui a une nouvelle fois dans ce Tour pu compter sur le soutien déterminant d'un de ses équipiers.
- "maturité" -
Lisser l'effort, monter à son rythme quand les roues des rivaux s'éloignent à mesure que la pente se cabre, et ne pas paniquer: l'apprentissage se fait à toute vitesse, mais l'étudiant Vauquelin assimile bien.
"La maturité, il la prend au fil des jours, et il en ressortira grandi, et c'est ce qui est important", affirme Didier Rous.
Son leader s'est retrouvé en compagnie de Warren Barguil et Frank van den Broek, coéquipiers du quatrième du général Oscar Onley. Le petit groupe s'est bien entendu, et a pu revenir sur un premier échelon où se trouvait le leader britannique de la Picnic-Post NL.
Et quand Pogacar et Vingegaard se sont neutralisés dans la vallée menant vers Courchevel, Vauquelin et ses compagnons de poursuite ont pu rentrer, pour s'accrocher dans le début de la dernière ascension, avant l'accélération franche de Jhonatan Narvaez, lieutenant du maillot jaune.
"Je savais qu'il fallait que je monte à ma main, c'est ce que j'ai fait jusqu'en haut et franchement, je suis content de ma performance, j'ai pas flanché", s'est réjoui Vauquelin, avant d'aller donner une tape amicale au deuxième français du général Jordan Jegat, complètement frigorifié.
Le coureur de TotalEnergies, lui aussi en pleine découverte des exigences de la lutte pour le classement général, s'est dit "traumatisé" par la journée vécue, après avoir tenté de se glisser à l'avant puis d'exploser.
"Au pied du col, j'étais déjà mort, quand j'ai vu le panneau des 25 km je me suis dit que ça allait être compliqué. C'était une bataille contre moi-même toute la montée", a soufflé Jegat, 11e du général à 32 minutes de Pogacar, mais à 3 minutes de la 10e place désormais occupée par Ben O'Connor.
L'apprentissage continuera vendredi, sur la route montant vers La Plagne, parsemée de cinq ascensions, où les deux hommes auront à nouveau à repousser leurs limites.
B.Ziolkowski--GL