
Attaque contre Robert Fico: le tireur jugé pour terrorisme en Slovaquie

Le tireur septuagénaire qui avait gravement blessé par balle en mai 2024 le Premier ministre nationaliste slovaque Robert Fico doit répondre mardi au tribunal d'acte de terrorisme, risquant la prison à vie.
Juraj Cintula, un poète slovaque de 72 ans, avait justifié son geste survenu en pleine rue lors d'un déplacement dans la ville minière de Handlova (centre), par son opposition aux mesures jugées autoritaires du gouvernement slovaque proche du Kremlin.
Jugé à Banska Bystrica (centre) par un tribunal spécial à partir de 09H00 locales (07H00 GMT), il avait initialement été inculpé de meurtre avec préméditation, un crime requalifié ensuite en attentat par le parquet.
Son motif, politique, était "d'empêcher définitivement" la coalition souverainiste formée quelques mois plus tôt d'appliquer son programme.
C'est la seconde fois seulement que la justice de ce pays d'Europe centrale doit examiner un dossier d'attentat, après le meurtre homophobe de deux hommes devant un bar gay en 2022 par un militant d'extrême droite.
- Ni le coeur, ni la tête -
Durant l'audience, il sera "essentiel d'examiner les intentions" du tireur, estime Tomas Stremy, professeur de droit pénal à l'université Comenius de Bratislava, alors que Juraj Cintula a admis avoir planifié l'attaque deux jours plus tôt, dans une interview accordée à la presse depuis sa détention.
Disant ne pas regretter son geste, il détenait légalement l'arme avec laquelle il a ouvert le feu à cinq reprises sur le dirigeant aujourd'hui âgé de 60 ans, et ne l'a manqué qu'une seule fois.
Il jure n'avoir visé ni le cœur ni la tête de sa victime, ne souhaitant pas attenter à sa vie.
Robert Fico, principale figure politique en Slovaquie où il est revenu au pouvoir après avoir déjà gouverné de 2006 à 2010 puis entre 2012 et 2018, a dû subir deux longues opérations.
Selon l'acte d'accusation de 6.200 pages, son traitement médical a duré 42 jours.
Il a été dans l'incapacité d'assurer ses fonctions durant deux mois.
Avec ses alliés d'extrême droite, le Premier ministre a fait prendre un virage trumpiste à la Slovaquie, ciblant régulièrement la justice et les médias avec lesquels il entretient des contentieux très anciens liés à différentes affaires.
Des manifestations accompagnent régulièrement ses réformes qui, selon ses détracteurs, rapprochent le pays de la Russie et l'éloignent des normes démocratiques européennes.
- Assassin "créé" -
La fusillade a donc eu lieu dans un pays habitué à une certaine forme de violence en politique depuis le mandat de Vladimir Meciar, Premier ministre dans les années 1990, qui était accusé d'exercer son pouvoir de manière mafieuse.
En 2018, Robert Fico avait été contraint de démissionner après le meurtre brutal d'un jeune reporter, Jan Kuciak, et de sa fiancée. Celui-ci avait révélé une corruption de haut niveau.
Il avait été reproché au Premier ministre d'attiser le ressentiment contre les journalistes, traités de "hyènes idiotes".
A son retour de convalescence, Robert Fico a accusé les médias et l'opposition d'avoir "créé un assassin" qui serait le "produit" de leur haine à son égard, dans ce pays de 5,4 millions d'habitants, membre de l'UE et de l'Otan.
Le tireur avait par le passé participé à des manifestations contre le gouvernement.
"Clairement convaincu" que l'opposition était "derrière cela" et "politicien de nature conflictuelle", M. Fico tente "bien sûr d'exploiter" ce qui lui est arrivé "à son avantage", estime le politologue Grigorij Meseznikov auprès de l'AFP.
Mais "sans preuves concrètes", cette "expérience traumatisante", rare dans un pays de l'Union européenne pour un chef de gouvernement, ne fera pas vraiment bouger les lignes, prévoit le chercheur.
"La polarisation", grâce à laquelle Robert Fico "prospère", "perdurera", dit-il.
Q.Szulc--GL